L’Être et non pas Lettre, c’est là toute la question

Voici ce qu’écrivait Angelus Silesius dans son Pèlerin Chérubinique en 1657.
C’est l’un de mes livres favoris, un peu comme un compagnon de route.

1,61. C’est en toi que Dieu doit naître
Christ serait-il né mille fois à Bethléem
S’il n’est pas né en toi, c’est ta perte à jamais.

2,102. Le dehors ne me console pas
Que me sert, Gabriel, que tu salues Marie
Si tu ne portes pas à moi aussi même nouvelle ?

Avec Silesius, je dis : «Que m’importe que le Christ soit né hier à Bethléem, s’il ne nait pas aujourd’hui en moi.»
Sinon il reste un «objet» historique, intéressant certes, mais «extérieur» à ma vie.
« Être chrétien » serait réduit alors à:
– Avoir pour guide un personnage, un «Maître vénéré» du passé. Un Christ sublime peut-être, mais un Christ mort, mis au tombeau et (pour ceux qui osent le croire) ressuscité et à présent dans les cieux (pendant que moi je suis sur terre !).
– Suivre des paroles qu’il aurait prononcées, qui seraient consignées dans un livre et interprétées au fil des siècles !

Dans ce cas, être chrétien ne serait pas, pour moi, vivre un Christ présent dans ma vie, incarné en moi, vivant et vivifiant, constant et éclairant, patient et aimant, un Christ «toujours déjà là», une présence toujours «ouverte» et libératrice, qui est vie de ma vie.

Je dirais aussi: «Que m’importe que Christ revienne demain si aujourd’hui il ne demeure dans mon coeur.»
Sinon être chrétien serait juste vivre dans une projection dans le futur plutôt que dans une incarnation au présent. Et, du coup, une question se pose et même s’impose:
L’incarnation de Christ ne concerne-t-elle que Jésus ou me concerne-t-elle aussi ?
Le Christianisme est-il une remémoration d’un « Dieu » mort, objet du passé, un rassemblement autour du corps de Christ pour se souvenir de ce qu’il a fait, une observance de la Lettre, une croyance coincée entre le passé et le futur (entre ce qu’il a fait et ce qu’il fera) ou bien est-ce l’histoire d’un Être vivant au centre de l’homme, un «Je suis» toujours présent ?

Pour ma part j’opte pour l’histoire d’un Être vivant au centre de l’homme et alors…

Comme ces autres paroles de Silesius sonnent juste !

1,82. Le ciel est en toi
Arrête-toi, où cours-tu ? le ciel est en toi ;
Si tu cherches Dieu ailleurs, tu le manques toujours

1,295. Qu’il soit d’abord en toi
Homme, si le paradis n’est pas d’abord en toi,
Crois-moi, tu n’y entreras jamais.

1,298.  Le royaume des cieux nous est intérieur
Chrétien, où cours-tu ? le ciel est en toi ;
Qu’as-tu à le chercher à la porte d’un autre ?

2,83. La montagne spirituelle
Je suis une montagne en Dieu, je dois me gravir
Pour que Dieu me montre sa face aimée.

4,156. Comment Dieu est en l’homme
La présence de Dieu en moi est plus réelle, que si l’océan entier
Était intégralement accumulé en une petite éponge.

J’aurai d’autres occasions de vous partager des paroles d’Angelus Silesius.

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Cet article a 4 commentaires

  1. Medina Antoine

    Amen 1000 foi amennnnnnnn

  2. Olivier F

    Bonjour Patrick,

    C’est vrai que ce livre est un coffre au trésor dans lequel on pioche inlassablement des perles de divinité. Je ne cesse de m’y replonger régulièrement, au gré de mes quêtes, et chaque fois les mots, même déjà lus cent fois, éclairent mon intériorité.

    L’évangile de Thomas est aussi dans cette même veine, de même que certains livres de Jean-Yves Leloup…

    Je déplore juste la faible quantité de « bons » livres, face à la pléthore de livres dits « chrétiens » qui n’amènent que de faux enseignements à ceux qui les lisent. J’en ai brûlé beaucoup… Faute de me réchauffer l’âme, ils nous auront chauffés tout court !!!

    On vous embrasse bien fort.

    1. Paddy

      Comme quoi même un mauvais livre peut être un bon combustible. Ta remarque est juste, perso, je suis devenu très difficile en matière de lecture.

  3. Marie-Alberta

    Je reste sans voix devant un telle pépite
    Le peu que j’ai écouté, c’est comme si j’avais lus tout le livre, cela se passe de commentaire il faut que je me procure ce livre. Merci encore et encore Patrick.