Être le sanctuaire de Dieu – Part. IV

Il faut avoir lu les trois parties précédentes de cet article pour pouvoir suivre le fil.

 Part. I ,  Part.II   et Part.III

Le tabernacle de Moïse

Le tabernacle de Moïse a été construit selon le modèle que Dieu lui avait montré sur la montagne (1).
L’auteur de l’épître aux Hébreux le place même dans les ombres des choses célestes (2).
Nous savons que le dessein d’origine de Dieu était d’habiter dans l’homme et que celui-ci soit une habitation consciente de Dieu.
Je me pose donc cette question : Est-ce que la réalité céleste qui a servi de modèle pour le tabernacle de Moïse pouvait être l’homme selon Dieu, l’homme selon son dessein ?

Je propose une autre lecture de l’origine du tabernacle de Moïse.
Il est écrit : Ils me feront un sanctuaire – je demeurerai au milieu d’eux. (3)
Cela signifie-t-il que les Hébreux construiront un monument au sein duquel résidera leur divinité ? Cette interprétation, au pied de la lettre, serait contradictoire avec le message biblique fondamental suivant lequel on ne peut cantonner YHWH à un quelconque espace. Aucun logement ne lui convient cependant le texte nous dit que Moïse a reçu mission de faire bâtir un « sanctuaire ».
Moïse est confronté à une contradiction apparente : YHWH ne peut résider nulle part mais il réclame une résidence.

Le sens des mots

Pour sortir de ce dilemme, considérons le texte (ou plutôt les mots) de plus près.
Le verset dit : Wé’assou lî miqdach wéshakhaneti bétokham. Ce sont les mots miqdach et bétokham qui doivent retenir l’attention, ou plutôt, leur mise en relation, ainsi que le forme verbale wéshakhaneti.

« Miqdach »

signifie « sanctuaire », zone à part, aire vouée à un culte, emplacement différent des autres. La racine de ce mot est « qadash » qui signifie : « consacrer, dédier, mettre à part, faire une différence. Ce mot n’est pas exclusivement géographique.

Le second mot est formé du préfixe « bé » 

« avec », « au-dedans de »,

accolé au mot « tokh » 

qui veut dire « interne », « en soi », ce qui donne au pluriel « tokham », « leurs intimités », « leurs intérieurs », « au milieu de chacun d’entre eux » ou « au-dedans d’eux ».

La traduction adoptée par André Chouraqui « j’habiterai en leur sein » (4), se rapproche de cette interprétation. D’ailleurs il écrit dans la note du verset : en leur sein : YHWH n’habitera le sanctuaire que dans la mesure où il sera présent au sein des hommes, c’est-à-dire dans leur cœur, leur esprit, leurs actes (5).

Quant au verbe « lishkhon »,

il exprime l’idée d’habiter, de demeurer, de résider, d’élire domicile. Il est ici conjugué au passé, « shakhaneti », mais le waw conversif qui lui est accolé en préfixe () le transforme en futur.

François Rachline écrit aussi : J’entends pour ma part ainsi l’injonction : « Ils feront pour moi une différence (et) je demeurerai en eux ». C’est à dire : ils introduiront une différence dans leur vie – je serai à l’intérieur de chacun d’eux… Moïse ordonne d’ériger un lieu concret, spatialement délimité, afin que chaque homme se souvienne qu’il porte YHWH Elohîm en lui-même (6).

Habiter dans « leurs intérieurs », c’est-à-dire dans leur plus grande intimité, là où personne d’autre que soi-même ne peut pénétrer. Là, il sera possible à tout homme de rencontrer une présence en lui, s’il veut bien s’efforcer d’aller vers cette partie profonde de lui-même, mystérieuse, paraissant impénétrable et qui est la véritable demeure de Dieu.

Comme les versets suivants prennent tout leur sens !

Ne percevez-vous pas que vous êtes le sanctuaire de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? (7)
Ne percevez-vous pas que votre corps est le sanctuaire du Saint-Esprit qui est en vous et que vous avez de Dieu ? (8)
… Christ habite dans vos coeurs par la foi (9)

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(1) Livre d’Exode, chap.25:9,40 ; 26:30
(2) Épître aux Hébreux, chap 8:5
(3) Livre d’Exode, chap.25:8
(4) La Bible, André Chouraqui, Desclée de Brouwer, 1989
(5) la Bible traduite et commentée, André Chouraqui, Noms (Exode), p.306, Éd. Jean-Claude Lattès, 1993
(6) François Rachline, La loi intérieure, pp.78-79, Hermann Éditeurs, 2010
(7) 1ère épître de Paul aux Corinthiens Chap.3:16
(8) 1ère épître de Paul aux Corinthiens chap.6:19
(9) Épître de Paul aux Éphésiens, chap.3:17

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Cet article a 14 commentaires

  1. Tony

    Dieu n’habite pas dans des temples faits de mains d’hommes, mais il peut habiter dans l’homme crée par Sa main à Lui et à Son image. Encore du très bon pour cette quatrième partie, c’est toujours inspirant, merci Patrick. Bénédictions.

  2. Paterne

    Je conseille la lecture du livre d’Andrew Murray « le voile déchiré » qui est un magnifique et profond commentaire de l’Epitre aux Hébreux. C’est un livre que je médite depuis plusieurs années avec mon épouse en parallèle avec la Bible et cette épître est certainement une des plus importantes dans les textes de la nouvelle alliance pour le sujet qui est abordé dans ce blog. Bonne lecture et surtout bonne écoute ! L’Esprit Saint du Père et du Fils est en train de conduire ceux qui cherchent dans les vertes prairies de Son Sanctuaire Céleste.

    1. Tony

      Bonjour, l’ayant lu avec l’inspiration de la grâce (la conscience pleine et entière d’être gracié en Christ) j’ai moi aussi reçu une petite claque avec cette épître, comme un cadeau, une perle de compréhension à la fois du Nouveau et de l’Ancien Testament, aussi dense que limpide. J’y ressent tellement de liberté.

      On peut aussi voir beaucoup de liberté dans les livres de l’Ancien Testament, comme le livre Ésaïe, qui est tellement fort et détaillé quand aux prophéties du messie et de sa mission que j’aime à penser que c’est « l’Évangile d’Ésaïe ». J’y ressent aussi la simplicité et la libération de la Bonne Nouvelle. Quel Dieu patient et bienveillant pour les pécheurs depuis le péché d’Adam. Les sauvés l’on toujours été par la foi, la confiance en Lui. Il ne change pas.

    2. Tony

      @Paterne (Je précise que je « parlais » de l’Épître aux Hébreux dans mon commentaire du 14 novembre 2019 à 17 h 12 min. Pas lu « le voile est déchiré ». )

      Bénédictions.

  3. Graine

    Merci Patrick pour cette piste, je cite : « Est-ce que la réalité céleste qui a servi de modèle pour le tabernacle de Moïse pouvait être l’homme selon Dieu, l’homme selon son dessein ? »

    Je répondrai pour ma part : « oui » au sens où le temple physique est l’image extérieure d’une réalité intérieure. Par exemple, je suis persuadé que le parvis du temple est notre corps physique, l’intérieur notre âme, le « saint des saints » (selon la traduction habituelle) notre esprit le lieu où l’on rencontre Dieu dans le silence, à « l’intérieur de l’intérieur ». Le fait que le voile soit déchiré est plus qu’un symbole : c’est un réalité qui signifie que nous avons accès au repos et au calme du « saint des saints.

    Le schéma du temple ou du tabernacle qu’on peut trouver très facilement avec une recherche « images » devient pour le coup très parlant car l’arche de l’alliance est « au coeur du coeur » du temple !

    1. Christopher

      Merci beaucoup pour ta réponse, ça m’a vraiment inspiré, je rend gloire à Dieu de ses enseignements qu’il donne à nos Coeurs chaque jours, que Christ sois pleinement formé en Tous !Amen/Je suis d’accord, Il est la respiration et la Vie !!!

  4. Tony

    Merci beaucoup Graine. Adorons l’Esprit du Père et du Fils qui est en nous par un vrai culte intérieur (c’est à dire spirituel tout simplement) de manière épique, comme un voyage, une aventure : par la foi (et donc sans volonté de « ressentir » quoi que se soit) nous pouvons visualiser notre temple intérieur ou la lumière du Christ s’élève et nous enveloppe, et nous instruit dans la paix. Il faut simplement prendre Jésus au mot en adorant en esprit et en vérité. Nous sommes à Christ et Christ est a Dieu : nous sommes rendu juste et parfaits à Ses yeux parce qu’a travers nous Il voit son Fils (En Lui et avec Lui nous sommes morts à nos péchés et ressuscité pour la vie éternelle.). Il nous voit déjà comme nous seront au ciel : à l’image de Christ. Pas à nos circonstances et nos faiblesses temporelles. C’est extraordinaire. Nous sommes déjà assis dans les lieux célestes : méditions à chaque instant de nos vies sur cette réalité. Voila une attitude de prière « en tout temps ». Avec cet Esprit filiation relisons l’Épître aux Colossiens et aux Éphésiens, et, par cette inspiration de la grâce, quelle eau de vie et sagesse on y trouve!
    Et bien sure : fréquentons d’autres chrétiens ! C’est important. 🙂

  5. Stéphane

    Bonjour Patrick,

    Toujours et encore à propos du Christ en nous, voici ce que disait le Père François Brune (prêtre catholique dissident, aujourd’hui décédé et auteur de deux ouvrages sur les apparitions mariales « La vierge du Mexique » et « La vierge d’Égypte ») lors d’un entretien sur un de ces livres « Christ et karma, la réconciliation ? ». L’idée de l’hologramme ou le Christ en nous. « Une plaque de verre ou un film pellicule cassée, brisée en dix, vingt ou trente morceaux, chaque morceau va pouvoir avec le rayon laser restituer l’image en entier. C’est une image qui aide à comprendre l’analogie entre les deux, avec cette présence du Christ dans tous les hommes. On rejoint la théologie des chrétiens d’Orient et que nos mystiques redécouvrent par leurs expériences. Cette présence réelle, physique de Dieu en chaque homme de n’importe quelle époque, même des millénaires avant Jésus Christ et en n’importe quel pays, que ce soit au Pérou ou au Japon. L’hostie présente la même caractéristique que l’hologramme. »

    Bonne journée et soi béni
    Stéphane

    P.S. : Musique, connais-tu ? : https://www.youtube.com/watch?v=bdQYxlq76tc

    1. Paddy

      Pensée intéressante que l’hologramme. Je ne peux te rejoindre sur la dernière phrase, mais je l’a comprends c’est un point de vue catholique. Ma foi ne m’emmène pas jusqu’à là, Christ est Esprit, et je ne le fais pas venir en moi de l’extérieur. Je n’ai pas besoin du support de l’hostie (mais je respecte), j’ai personnellement une autre compréhension de la parole de Jésus qui a dit: celui qui mangera de ce pain, je demeurerai en lui…
      Le temps n’est pas aux discussions « théologiques » ou « doctrinale », le temps est à LA VIE.

      1. Calo

        Amen Paddy 🙏

        Il me semblait que c’était quelque chose de naturel et unificateur que de partager nos ressentis de Christ à l’intérieur de nous avec d’autres, mais au vu des réactions, commentaires et débats que cela a suscité sur un forum « oecuménique », je vais garder ça pour moi, EN MOI ! ou plutôt avec des personnes qui ont le coeur suffisamment grand pour y recevoir le Christ.

        Merci Paddy d’être aussi « simple »
        (à comprendre dans le sens le plus beau du terme !) et authentique dans ton partage de la Foi et de l’Amour de la Vie !

  6. Stéphane

    Salut Patrick,

    J’aurais aimé connaître ton avis sur le film controversé de Mel Gibbons La Passion du Christ sorti en 2004. D’après ce que je sais, le scénario est basé sur les visions de la mystique Catherine Emmerich et donc les dialogues exprimés en araméen, hébreu et latin. Semble-t-il crédible à ce que tu sais de tes expériences avec Lui ? En ce qui me concerne, le climat du film m’a bien bouleversé et c’est peu de le dire…

    Belle et bonne journée et année 2020
    Stéphane

    1. Paddy

      Belle année à toi aussi.
      Concernant le film « La passion », ça reste un film plus ou moins fidèle. Le coté crue de la violence est très crédibles et assez conforme a une vision que j’ai eu moi-même du Christ en croix il y a pas mal d’années.
      Après l’ambiance du film, certaines scènes sont, à mon goût, de trop mais c’est un avis perso. Aucun film ne pourra de toute façon représenter complètement ce qui s’est réellement passé à la croix d’un point de vue spirituel.

  7. Stéphane

    Bonjour Patrick,

    Je sais que tu es sensible aux mots et à leurs histoires, leurs étymologies en quelque sorte et dans le fameux verset 28,29 au chapitre 11 de Mathieu le mot fatigue est d’importance. Pour moi aussi il l’est, parce que je souffre de fatigue chronique qui ne me lâche pas les baskets en dépit de réforme d’hygiène alimentaire et de mode de vie. Voici donc ce que j’ai relevé dans un livre intitulé « Petite anthologie des mots rares et charmants » de Daniel Lacotte et qui, je pense, amènera un peu d’eau lexicale à ta source.

    Recru (e) (adj., XI siècle)
    Un humain ou un animal recru est tout simplement épuisé, éreinté, exténué, fatigué, fourbu, harassé, vanné, accablé, flapi, affaibli, abattu… Bref, à bout de force. À la suite d’une longue et intense activité, on peut donc parler d’un cycliste, d’un ouvrier ou d’un cheval recru. Sans rien ajouter d’autre ! La locution « recru de » insiste sur l’excès. Celui qui est recru de quelque chose atteint un point extrême situé au-delà du supportable. L’expression s’applique à tout individu submergé par la démesure d’un état ou d’une situation. L’un sera recru de fatigue, tel autre recru de douleur et un troisième recru de sommeil.

    Belle journée
    Stéphane

    Musique : https://www.youtube.com/watch?v=61xMHjjvHTs

    1. Paddy

      En effet j’apprécie, Merci pour cette pépite lexicale, je ne connaissais pas.